Alors que les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient et que l’information climatique devient cruciale, une ancienne présentatrice météo de BFM TV lève le voile sur les coulisses de la formation climatique des journalistes. Son témoignage révèle un fossé béant entre ce que savent réellement les médias sur le climat et ce qu’ils transmettent au public.
Fanny Agostini n’était pas destinée à révolutionner l’information climatique en France. Pourtant, cette jeune Auvergnate, diplômée en 2009 du Studio École de France après une prépa Sciences Po, a transformé son passage éclair dans la météo télévisée en véritable mission pédagogique. Son parcours atypique révèle les zones d’ombre de la formation climatique dans les médias français.
Une formation météorologique d’exception cachée au public
L’histoire commence en 2011 quand Philippe Verdier quitte BFM TV pour France 2, laissant vacant le poste de présentateur météo de l’après-midi. Fanny Agostini, alors cantonnée aux bulletins radio, se voit proposer l’opportunité. Mais à une condition : suivre une formation approfondie.
“Après une formation à Météo-France, elle remplace Philippe Verdier en septembre 2011″, précisent les archives. Cette mention laconique cache une réalité bien plus complexe que Fanny Agostini a révélée dans ses interviews récentes.
La future présentatrice n’a pas suivi la formation classique de quelques jours habituellement proposée aux “miss météo”. Elle s’est lancée dans un véritable cursus d’expertise météorologique avec François Bourron, un ingénieur prévisionniste de Météo-France. Six heures par semaine pendant des mois, un programme qui dépasse largement ce que suivent la plupart des présentateurs météo télévisuels.
Les secrets d’une formation que les autres chaînes ignorent
Cette formation intensive révèle un enjeu majeur : la différence de niveau entre les présentateurs météo des différentes chaînes. Pendant que certains se contentent de lire des bulletins prérédigés, Fanny Agostini apprenait à “lire des cartes de frontologie, comprendre les modèles météorologiques et les comparer entre eux de manière autonome”.
L’École Nationale de la Météorologie (ENM) de Toulouse, où s’est formée partiellement Fanny Agostini, forme normalement des ingénieurs météorologistes en trois ans. Son cursus de climatologie couvre la physique de l’atmosphère, la modélisation climatique et l’analyse des phénomènes météorologiques complexes.
Cette formation d’exception explique pourquoi Fanny Agostini a pu tenir des discours plus nuancés et techniques que ses confrères. Elle comprenait réellement les mécanismes qu’elle présentait, contrairement aux présentateurs formés en quelques jours sur la gestuelle et la diction.
Le Climate Bootcamp : quand les journalistes découvrent leur ignorance
Le contraste entre sa formation et celle de ses confrères a conduit Fanny Agostini à créer, dès 2015, le Climate Bootcamp à La Bourboule. Cette initiative révèle l’ampleur du problème de formation climat dans les médias français.
“Une session de formation annuelle réunissant des scientifiques, des journalistes et des personnalités publiques pour former les ‘leaders d’opinions’ aux enjeux de protection de la biosphère“, selon la description officielle. Mais derrière cette formulation diplomatique se cache une réalité plus crue : la plupart des journalistes nationaux découvrent les bases scientifiques du climat.
Les participants au Climate Bootcamp incluent Gilles Bouleau, Léa Salamé, Bernard de la Villardière, Bérengère Bonte ou encore Marion Cotillard. Des noms prestigieux du paysage médiatique français qui viennent apprendre ce que leurs confrères météorologues maîtrisent déjà.
La révélation des mécanismes cachés du climat télévisé
L’expérience de Fanny Agostini révèle plusieurs dysfonctionnements structurels de l’information climatique à la télévision :
La formation express des présentateurs : Contrairement aux météorologistes professionnels formés sur 3 ans à l’ENM, la plupart des présentateurs météo suivent des formations de quelques semaines centrées sur la présentation plutôt que sur la compréhension scientifique.
Le manque de culture scientifique : Les journalistes généralistes, même expérimentés, manquent souvent des bases pour comprendre et transmettre les enjeux climatiques. Les formations spécialisées de Météo-France existent mais restent confidentielles.
L’écart avec la science officielle : Météo-France propose des formations continues pour professionnels notées 3,52/4 par les participants. Mais ces formations de haut niveau touchent rarement les journalistes des grandes rédactions.
Les enjeux cachés de la sensibilisation climatique
Le parcours de Fanny Agostini illustre un paradoxe français : nous disposons d’institutions scientifiques de premier plan comme Météo-France et l’ENM, mais l’information grand public reste superficielle. L’ENM forme chaque année environ 300 étudiants aux sciences météorologiques et climatiques, mais cette expertise peine à irriguer les médias.
Le Climate Bootcamp tente de combler ce fossé en formant les journalistes aux enjeux climatiques. Une démarche unique en France qui révèle l’ampleur des carences initiales. Quand des journalistes chevronnés de France 2, TF1 ou France Inter viennent découvrir les bases du système climatique, cela questionne la qualité de l’information diffusée quotidiennement.
Au-delà de la météo : vers un journalisme climatique éclairé
L’initiative de Fanny Agostini dépasse la simple formation. Elle révèle la nécessité d’un journalisme climatique plus rigoureux, basé sur une compréhension scientifique solide plutôt que sur la seule capacité à présenter.
Son passage de BFM TV à Thalassa puis à la création de sa fondation environnementale illustre un choix radical : privilégier la substance à l’exposition médiatique. Une leçon pour tous ceux qui s’interrogent sur la qualité de l’information climatique en France.
La météo télévisée n’est plus qu’un exercice de style. Dans un contexte de dérèglement climatique, elle devient un enjeu de compréhension collective des phénomènes qui nous attendent. L’exemple de Fanny Agostini montre qu’une autre approche est possible, plus exigeante mais aussi plus utile pour préparer les citoyens aux défis climatiques.
Car derrière chaque bulletin météo se cache une question essentielle : les journalistes qui nous informent sur le climat comprennent-ils vraiment ce qu’ils nous expliquent ?
Le Climate Bootcamp continue d’organiser des sessions de formation pour les professionnels de l’information. Météo-France propose également des formations continues ouvertes aux journalistes souhaitant approfondir leurs connaissances climatiques.